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LE BLOG DE GWODA ADDER ABEL

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3 novembre 2014

Face à l’irradiation la méga-culture de la mondialisation, la réponse pédagogique du nationalisme-ethniciste africain

Annales de la FALSH, UY1, N°16, Nouvelle série, 2014.

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22 novembre 2011

Typologies des minorités dans des sociétés africaines

Seminaire:(Universidad Complutense de Madrid)

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Typologies des minorités dans des sociétés africaines et dynamique sociale

Télécharger ici les versions française et anglaise

Typologie_des_minorités_(version française)

Typology_of_minorities (English version)

CF. Communication Tagou Celestin, journée d'étude du GREDYSOP, en cours de publication

7 novembre 2011

Communication à l'Universidad Complutense de Madrid

DSC00005Résumé :

La mondialisation sur le plan culturel apparait comme un universel uniformisant qui absorbe, voire dissout toute différence. Sous l’impulsion de l’économie néolibérale elle va tenter d’homogénéiser les différentes identités suivant le modèle occidental, entraînant de formidables réactions des cultures menacées de disparition. Ces réactions identitaires sont de deux ordres : la zélotiste qui est belliqueuse et pouvant se muer en terrorisme et l’hérodiniste, qui est pacifiste et essentiellement adaptatrice. Une analyse phénoménologique du vécu culturel africain, va présenter une entreprise ethniciste d’acculturation comme réponse à l’irradiation de la méga-culture de la mondialisation. Cette réaction identitaire plutôt adaptatrice désignée nationalisme-ethniciste, va apparaitre comme un apport précieux au projet altermondialiste du fait qu’elle propose une cosmo-citoyenneté flexible, construite en rupture avec les postures nationalistes-sentimentales et mondialistes-instrumentales. 

 

Mots clés : culture; mondialisation ; nationalisme-ethniciste ; universel ; particulier ; repli identitaire ; acculturation; altermondialisation.

 

Abstract :

Globalization in cultural terms is emerging as a universal uniformity which absorbs or dissolves any difference. Under the booster of neoliberal economics the Globalization will attempt to homogenize the different identities following the Western model, resulting in tremendous reactions from endangered cultures. These identities reactions are two kinds: the zealot, who is belligerent and can turn into terrorism and Herodian, which is essentially pacifist and adapter. A phenomenological analysis of African cultural experience, will present an ethnicist acculturation attempt as a response to irradiation of the mega-culture of Globalization. This identity reaction rather adapter, designated as ethnicist-nationalism, will appear as a valuable contribution to the global justice project because it provides a cosmopolitan flexible citizenship, built out of the postures of sentimental-nationalism and the instrumental-globalization.

 

Keywords : culture; globalization ; ethnicist-nationalism; universal ; particular ; identities’ withdraw ; acculturation; Africa; altermondialisation.

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7 novembre 2011

Face à des identités de conquête, repenser le maelström culturel dans le Grand Nord

Par

Adder Abel GWODA, Ph.D.

Philosophe-politiste, GREDYSOP

 Le programme culturel du candidat des « Grandes Ambitions » tourné vers l’étranger

Peut-on véritablement évaluer le programme culturel du Président de la république sortant, sur son impact dans le Septentrion ? Il est risqué de tenter de l’évaluer à partir de la politique culturelle nationale, car la particularité et la complexité de la question culturelle dans le Grand Nord, demande une grille d’analyse particulière.

Pour le septennat qui s’achève, le Président Paul Biya sur le plan culturel, s’est préoccupé du rayonnement international du Cameroun. « Ce renouveau diplomatique » s’est affirmé dans les faits par le redéploiement des ambassadeurs à travers le monde et la participation aux activités d'Organisation telles que le Commonwealth, la Francophonie et l'Organisation de la Conférence Islamique. Le Cameroun dans ce sens a surement tiré une certaine aura dans la communauté internationale, nonobstant les « campagnes de discrédit » orchestrées par « les ennemis du Cameroun » selon la communication gouvernementale.

On peut d’emblée ainsi penser que ce programme n’avait pas une politique culturelle intérieure, que rien ne serait fait sur le plan culturel dans le Grand-Nord. Mais le discours de campagne du candidat des « Grandes Ambitions » délivré à Maroua donnait un tout autre son de cloche : « Tout le monde connaît les Lions Indomptables, Manu Dibango et quelques autres, et c’est bien, mais qui connaît nos multiples atouts dans les domaines économique, culturel et touristique. Nous avons là de grands progrès à faire. » Effectivement, tout en menant une forte campagne de communication pour faire mieux connaître le Cameroun et ses multiples potentialités, le septentrion a pu bénéficier des actions allant dans la promotion du tourisme et de la culture. Nous avons pour preuve le Festival National des Arts et de la Culture qui s’est déroulé à Maroua en fin d’année 2008. Ceci a surement permit que soient renforcés les industries culturelles camerounaises contribuant ainsi à faire connaître notre pays à l'extérieur. On peut noter une attention particulière portée à l’amélioration de la condition des femmes dans le Nord. Les centres de promotion de la femme et leurs groupements d’activité dans les secteurs de l’artisanat ont été encouragés par les pouvoirs publics. Toutes les pratiques culturelles et artistiques locales ont participé à atteindre cet objectif, qui est ce rayonnement international.

De plus, depuis la promulgation de la loi consacrant la liberté d’association au Cameroun en 1990, le mouvement associatif a connu un regain de vitalité. Les regroupements communautaires n’ont cessé de se multiplier sur l’ensemble du territoire national. Ces regroupements communautaires constituent les lieux par excellence d’expression du pluralisme socioculturel caractéristique de la diversité ethnique et sociologique du Cameroun. Parce que « personne n’a plus besoin de prendre le maquis pour exprimer son opinion sur la marche du pays », l’effervescence socioculturelle est une réalité tangible et palpable, vécu dans toutes les composantes sociologiques, linguistiques et religieuses de la République. Ceci est une réalité qui ne s’est pas démenti dans le Grand-Nord, avec la naissance de multiples associations culturelles qu’il faudra tout de même interroger.

 

Un coup chapeau à la CRTV

Parler de la culture, c’est aussi jeter un regard sur ses moyens de promotion. Les médias sont ce véhicule nécessaire dans ce monde de vitesse, où les outils de communication n’ont d’égale que la vitesse de la lumière. Le septentrion fut longtemps absent des médias camerounais. Tout ou presque à la télé ou dans les programmes de radio au niveau national ne présentaient que les cultures du Grand Sud du pays. On était arrivé à se demander si le Cameroun n’était que peuplé des bantous et autres populations du Sud, tant il était rare de voir une prestation culturelle d’origine sahélienne. Les séries et autres téléfilms d’origine camerounaise n’avait qu’une consonance : Béti, ou Grasfield (Tazibi, le revenant, le débrouillard et bien d’autres séries-théâtres de l’époque de Mendoze). Lorsqu’on avait la chance de suivre la CRTV, radio ou télévision, il fallait vivre ou faire un tour dans les chefs-lieux de province. Ce qui dans la perspective du rayonnement culturel international, un pan de la richesse culturelle du Cameroun serait occulté. Car lorsque vous êtes hors du pays, vous originaire du Nord du Cameroun, que vous affirmez que le Cameroun est une Afrique en miniature et que vous inviter un ami étranger à visionner votre télévision nationale, vous êtes pantois  car vous ne pouvez rien présenter et expliquer à ce dernier, ce qui vous est propre.

Désormais les programmes de la télévision et de la radio couvrent presque tout le Septentrion. L’apparition des programmes valorisant le sahel « Couleur Sahel » par exemple, on redonné une certaine fierté aux populations de ces régions qui se sont sentis pleinement Camerounais. Même si certains traitement de l’information empreint de conjecture, comme dans le cas du choléra à crée un certain malaise  et  à outragé certainement plusieurs  population nordique.

En tout état de cause, le redéploiement médiatique dans la promotion de l’image d’un Cameroun vu comme une Afrique en miniature a certainement participé à la réalisation de ce programme politique des Grandes Ambitions.

 

Grand Nord, une mosaïque culturelle millénaire à préserver      

Le septentrion du Cameroun est constitué d’un patchwork de populations diverses, traversé par trois religions principales : le christianisme, l’islamisme et le traditionalisme religieux. Cette trilogie du rapport à l’Indéterminé s’est construit dans des peuplades assez bigarrées.  Si les peuples Foulbé, Mandara et Bornou,  identifiés dans le groupe Kambi-Bénwé et Logone-Mandara se sont récemment installés dans la région, à travers des campagnes militaires Jihadiques, les autres populations et principalement celles issues des groupes paléo et néo soudanais, peuplent cette région depuis des siècles. Il s’agit entre autres des Massa, des Bororo, des Kotoko, des Arabes Choa, des Podoko, des Mofou, des Moundang, des Kanouri, des Mafa, des Guziga,  des Boum, des Haoussa, des Mousgoum, des Moudnag, des Toupouri, des Tikar, des Zoulgo, des Dii, des Falis, des Gbaya, des Sara, des Matal… En effet, la mosaïque culturelle du Grand Nord se lit à travers les 87 groupes ethniques qui occupent chacun un espace géographique précis. Certaines entités ont gardé jusqu’à aujourd’hui une identité culturelle et sociale forte, un savoir-faire, une capacité d’organisation sociale et des  techniques d’organisation de l’espace. Par contre, d’autres identités sont pratiquement en voie de disparition du fait de leur immersion dans un environnement qui n’était pas favorable à la diversité et au particulier. La politique qui visait donc la promotion de la diversité et surtout de la protection des minorités s’est contenté que des actions envers les Bororos en négligeant une dizaine des peuplades dont les langues sont désormais considérées comme en voie de disparition selon le sociolinguiste Francois Baimada Gigla[1] et dans Ethnologue[2]. Ces langues ont été victimes des vertus du dynamisme de l’islam et principalement du fulfulde dans le commerce et le clientélisme politique. On peut citer à cet effet, les Baldemu à Bogo, les Dama dans les environ de Rey-Bouba, les Ndai et les Pam à Tchollire, les Ngong au sud de Garoua sur route de N’Gaoundéré, les Oblo à Pitoa dans les villages de Gobtikéré,  de Ouro Bé, et Ouro Badjouma, les Zumaya dans le Diamaré et principalement à Ouro-Lamorde.

Nous pouvons donc malheureusement observer ici face à cette tragédie, un silence coupable qu’on peut imputer aux  autorités, ou alors une simple négligence qu’il faut corriger au plus vite. La cristallisation des langues autour du Fulfulde, du Wandala et de l’Arabe Shoa ne se limite pas au niveau de la langue seulement, mais impacte aussi des pratiques culturelles et cultuelles de ces dernières. La domination par le haut de l’islam sur la région justifie le mythe longtemps entretenu par un pouvoir autoritaire, d’un Grand Nord presque intégralement acquis à l’islam.

Nous pouvons tout de go nous poser la question : à qui la faute ? bien sûr à l’assimilation des cultures fortes, dont leurs industries culturelles sont restées vivaces. Mais aussi à l’acceptation tacite de cet état de chose par une politique culturelle qui n’est restée qu’au niveau du slogan, mettant ainsi en mal cette diversité, qui fait la richesse de cette région. Cette négligence n’est malheureusement pas sans risque. La culture étant comme la confiture ; moins on en a, plus on en étale, les cultures niées et menacées de disparition ressurgissent souvent déformées.

 podoko

Les replis identitaires dans des micro-nationalismes politiquement instrumentalisés

Fort de ce monisme culturel matérialisé autour de ces quelques langues dont nous avons énuméré plus haut, il va s’ensuivre qu’un principe d’exclusion va mettre à la marge les ethnies, qui s’obstineraient à ne pas suivre la voie. Ces cultures refoulées et humiliées, qui demeurent bien vivantes, parce qu'enracinées, vont refaire surface en réaction défensive dans une volonté d'affirmation identitaire. Cette réaction sentimentale va se vivre de manière soit violente, soit cathartique dans l’invention des associations culturelles. Ce désir halluciné du différent caractérisé par la volonté d’enracinement, du désir de revivre la mémoire tribale, sera cette résistance sentimentale du particulier en face de la conquête de l’uniformisant. Il est motivé par ce que Selim Abou appelle dans Culture et droit de l’homme une « angoisse ontologique matricielle »[3], ou « peur primordiale absolue »[4].

Cet état de fait, trouve en Huntington une analyse circonstanciée. Dans The clash of civilization, il montrait que la diffusion des références et valeurs instrumentales de quelques groupes au détriment des autres appelle à de formidables réactions de ces dernières, parce que se sentant menacées de disparition. Les racines des cultures humiliées et niées n’attendent que le moment favorable pour resurgir, parfois déformées et monstrueuses. Ce qui sous d’autre cieux a produit des intégrismes et des replis identitaires. L’amplification des actes terroristes en l’occurrence ceux du World Trade Centre aux États-Unis, de Bali en Indonésie ou de Madrid en Espagne[5] et bien d’autres attentats à travers le monde, devraient trouver leur justification dans ce sillage. Ce qui heureusement n’est pas encore le cas au Cameroun.

Toutefois, si sur le plan politique et économique, l’instrumentalisation de la culture peut prendre plus ou moins pied, l’identité culturelle quant à elle n’est pas un concept instrumentalisable. Dans ce sens on a pu voir une tension persistante après le conflit tribal ouvert entre Arabe Shoa et Kotoko, Peuhl et Gbaya. La création de l’Association Culturelle Sao-Kotoko (ACSK) se présente comme un véritable exutoire pour affirmer la différence avec les Shoa.  Beaucoup d’associations vont d’ailleurs naître dans ce sillage, celle de l’affirmation d’une identité niée ou humiliée. Il s’agit entre autres de l’Association culturelle Guisiga (ACEGUI), l’Association Culturelle Podoko (ACPO), l’Association culturelle Mafa (ACULMAF), l’Association Culturelle Mboum (ACM), l’Association culturelle Fali (ACF), lAssociation culturelle Guidar (ACG), l’Association Culturelle Kanuri du Cameroun (ACKC), le code culturel poulaku. Les antennes septentrionales du Bororo Social and Cultural Developement Association (BOSCUDA), Association Culturelle Zoulko ou TAKOUMA, et bien d’autres.

Par ailleurs, une des voies de réinvestissement du culturel par le politique est aujourd’hui assurément centré sur les préoccupations identitaires. Politiquement, il s’agit le plus souvent alors de faire de la politique culturelle nationale une sorte d’équilibre régional, à dimension intrinsèque des enjeux politiques. On retrouve là une conception du politique qui associe fondamentalement la domination politique à la domination culturelle qui en est alors un instrument. Seulement, le Grand Nord n’est pas une entité homogène comme on semble souvent  l’admettre dans l’opinion nationale. Ce désir de survivance qui suscite la création des associations culturelles  pour s’affirmer dans la sphère plus que compétitive du culturel-politique, va favoriser  quelques fois  des recompositions bâtardes : chez les Moundang par exemple, on trouve deux associations culturelles concurrentes mais qui ont le même objectif, celle crée par Hélé Pierre et celle de Tikela Kemone.

Quoi qu’il en soit, il est probable que la manifestation de telles expressions culturelles au travers de ces associations aura des impacts très différents au niveau de l’espace public. Certaines se limiteront à l’actualisation d’identités culturelles qui pourront être assumées avec davantage de fierté, mais d’autres déboucheront assez inévitablement sur des revendications en termes d’avantages formalisés, par exemple en termes de droits, certaines associations ayant d’ailleurs vocation à se positionner prioritairement à ce niveau. C’est le cas de  l’Association pour la Défense de la Culture Mafa, qui vise la promotion de la culture Mafa en  sollicitant auprès de l'État camerounais de créer des conditions favorables à  l'épanouissement socio-culturel des Mafas notamment par la dés-institution de l'Ethnie Matakam et son remplacement par le vocable Mafa. Tout un programme qui demande au gouvernement le rétablissement des chefferies Mafa.

Toutes ces associations qui vont naître en cette décennie et précisément en ce septennat, feront l’objet de cette manipulation des identités ethniques, occultant ainsi la raison même de leur création[6]. En tout état de cause, l’affirmation des identités niées profitera du contexte politique du septennat  pour se refaire une nouvelle jeunesse.  Le Festival National des Arts du Cameroun (FENAC) organisé pour sa 7e édition à Maroua, va faire ainsi de cette région, le centre artistique et culturel du Cameroun pendant l’année 2008. Cependant, le succès de cet évènement sera selon une lecture de presque tous les confrères de la presse, une réussite dont on peut en redire.

 Le FENAC, un succès à demi teinte

La 7ème édition du FENAC attendue depuis plus de six ans, s’est finalement déroulée à Maroua en fin décembre 2008. Le regard des observateurs fut divergent selon qu’on soit spectateur ou analyste. Pour les populations locales, elles se disent ravies d’avoir vécu ces moments exceptionnels, d’avoir vu se dérouler sur leur sol ces choses qu'elles ont pu voir qu'à travers un écran de télévision, pour certains. Il y avait surement dans leurs yeux un ravissement profond, qui s’est exprimé par une participation massive aux différents évènements du festival, surtout par le fait que des artistes comme Isnebo, Ousmane Ngana, Amina Poulo et plusieurs autres ont été associés à ce festival. À chaque prestation de ces dignes représentants de la culture musicale septentrionale, qui ont ravis la vedette à ceux venus du sud, le public était en liesse, fier de la place donnée aux artistes du Grand Nord  sur la scène de la diversité culturelle camerounaise. On peut aussi d’ailleurs noter le succès sur le plan des récompenses engrangées. La quasi-totalité des Épis ont été raflé par ces artistes du septentrion. Nous citons entre autres, l'épi d'or des danses traditionnelles qui a été décerné a la danse Voulma et un prix spécial décerné au Gourna, danse Toupouri. Le poète Moustapha Bako, a reçu  l'épi d'or dans le concours de poésie, autant de choses qui montrent l’engouement et l’engagement, que les populations du septentrion ont porté à cet évènement.

Par ailleurs, selon le quotidien Mutation dans sa dépêche du 29 décembre 2008 sous les écrits de Dorine Ekwè, le côté noire de ce festival fut les revendications des artistes, les manquements dans l'organisation et surtout les luttes de positionnement  des membres du comité d'organisation. Des déclarations fortes rapportées par Xavier Messè, viennent confirmer l’amateurisme dans l’organisation d’un tel évènement et surtout l’attitude prédative qui anime certains de nos autorités : « Ce pays est celui de Ponce Pilate. Il n'y a que des responsables ici, mais personne n'est responsable de rien… Le public camerounais est extraordinaire. Pour ce qui est des dirigeants, beaucoup de choses restent à revoir. »  Cette déclaration est de Laurent Richard de l’entreprise française Stage Craft qui était chargé de la sonorisation du FENAC, et cela est tout dire.

 

La DCK est-elle morte?

La Dynamique Culturelle Kirdi (DCK) fut depuis le début des années 90 une association « dynamique » qui saturait l’espace du jeu et des enjeux politico-culturels en face de la force économico-politique de ce qu’une certaine opinion appelle les islamo-peuhl. Jusqu’au lendemain du dernier septennat, il n’était pas rare d’être informé par les médias d’une activité organisée par cette association. On se souvient des grandes soirées de veillée de l’an animée par la DCK où les différents peuples Kirdi rivalisaient d’adresse dans leurs plus beaux atouts, pour gagner la première place du concours de dance. Elle fut aussi et surtout une tribune des Kirdi pour revendiquer des positions de pouvoir. Ainsi, était instrumentalisé le culturel à des fins politiques.

Depuis quelques années, plus rien ! Où sont passés les porteurs du projet culturel kirdi (Baskouda, Tikela Kemone, Perevet Zachari…)? Ont-ils démissionné parce que les objectifs sont atteints, c’est-à-dire obtenir quelques strapontins ? Ont-ils été enjoints à abandonner la cause d’un mouvement qui pouvait menacer l’unité régionale et nationale? Ce qui est au moins sûr, c’est qu’à la suite de ce silence bruyant, beaucoup d’associations ethniques vont naître et seront très dynamiques  à travers la résurgence des fêtes traditionnelles et des pratiques relevant des codes culturels, qui avaient été abandonnées pour certaines depuis la colonisation (tokna masana chez les Massa, la fête du coq chez les Toupouri, le hamava chez les Podoko…).podoko 1

Le soutien tacite de la politique des Grandes Ambitions aux pratiques identitaires peut sembler présenter un intérêt renouvelé pour la chose culturelle, mais peut aussi être interprété comme s’articulant autour de la logique de l’investissement, un investissement dont l’efficience sera notamment mesuré à l’ampleur des « retombées » en termes d’électeurs potentiels qu’on peut orienter. On peut alors penser, sauf erreur, que l’émiettement de la DCK participe d’une politique du divide impéra.

Par ailleurs, l’émiettement de la DCK, qui rendrait aux différentes cultures leur vocation de communication, ne va pas à l’évidence de soi dans la mesure où la construction ethno-régionale d’une identité Kirdi pourrait bien aussi être l’occasion d’une ambition visant à la promotion d’une culture générale. En tout état de cause, l’autonomie de la sphère culturelle est très certainement une des conditions de la richesse de ses productions. Tout en étant le témoin et le théoricien du développement des industries culturelles, Adorno et Horkheimer (comme Marcuse plus tard) ont fortement attiré l’attention sur le fait que seule la relative autonomie dont la sphère culturelle a pu bénéficier, au sein de la société bourgeoise occidentale avant le 20e siècle, a permis d’en préserver sa fonction critique. Il va sans dire que les processus qui tendent à assurer la dépendance du culturel par rapport au politique doit être interrogés à partir de ce type d’analyse.

 


[1] Department of Bilingual Studies, Higher Teachers’ Training College (ENS), University of Maroua, Cameroon. Lecturer (English Language).

[3] Sélim Abou, Culture et droits de l’homme, Paris : Hachette ; 1992, p. 22.

[4] Hegel, G. W., La phénoménologie de l’esprit, trad. J. Hippolyte, Aubier / Montaigne, t. I., 1941, p. 166.

[5] Attentats commis au nom d’Al Quaïda  respectivement le 11 sep. 2001, le 12 oct. 2002, le 11 mars 2004.

[6] Fanny Pigeaud, Au Cameroun de Paul Biya, Karthala, 2011, p. 8. 

26 juin 2010

Janvier 1960: Cameroun, le deuxième mari

Dès le 1er janvier 1960, le Cameroun ouvre le bal des indépendances. Mais un bal fiévreux, tendu, sanglant. Envoyé spécial de L'Express, Claude Krief raconte.

     

Rues illuminées et désertes. Chaleur pesante et moite. Visages fermés. Sang à Yaoundé. Sang à Douala. La peur. Cette impression de malaise parmi les personnalités venues du monde entier. Une retraite aux flambeaux, quelques manifestations annulées. Ce chauffeur qui nous quitte pour aller chercher son fusil à la tombée de la nuit. Les premières heures de l'indépendance camerounaise, qui ont coïncidé avec la nuit du réveillon, n'ont guère fait retentir les tam-tams de la liesse populaire.

"M. Ahidjo, le président du Conseil camerounais se bat contre un fantôme qui arme aujourd'hui la main des terroristes et ferme les coeurs", me disait, ce soir-là, un diplomate étranger, tandis que s'égrenaient dans le lointain les cent un coups de canon célébrant la souveraineté de notre ancien territoire sous tutelle, "Ce fantôme, c'est celui de Ruben Um Nyobé, le fondateur de l'Union des populations camerounaises, tué en septembre 1958 au fond des maquis de la Sanaga maritime. Ou, si vous préférez, M. Ahidjo est comme le second époux d'une femme qui ne veut pas oublier son premier mari."

C'est du Sud que sont partis les mouvements de lutte pour l'émancipation et l'unité nationale du Cameroun

Ces remarques sont vraies pour une large partie de ce pays divisé en dizaines de groupes ethniques, mais elles s'appliquent surtout au Sud et en particulier à Douala, la capitale économique, la ville aux dizaines de milliers de chômeurs, néo-prolétariat qui s'entasse dans les bidonvilles africains. C'est du Sud qu'était originaire Um Nyobé et du Sud que sont partis les mouvements de lutte pour l'émancipation et l'unité nationale du Cameroun. M. Ahidjo, musulman et homme du Nord, l'a publiquement reconnu à Douala. Mais le fait est là: les "Upécistes", qui ont le sentiment d'avoir été les véritables artisans de l'indépendance camerounaise, tiennent M. Ahidjo pour un "usurpateur", et les extrémistes, faute d'avoir arraché leur souveraineté à la France par un combat victorieux, n'hésitent pas à relancer une véritable guerre civile.

La nuit du 30 décembre

Le but des terroristes de l'U.P.C. était clair! les déclarations faites à l'étranger et les tracts circulant dans les villes camerounaises affirmaient que le 1er janvier se déroulerait dans l'insurrection générale. Or, le total des forces de sécurité présentes dans un pays grand comme les quatre cinquièmes de la France s'élève à moins de 5.000 hommes, y compris 2.600 soldats français. Ces chiffres donnent la mesure de l'échec relatif des Upécistes.

Douala se souviendra de cette nuit du 30 décembre. Le couvre-feu, imposé depuis plusieurs mois, avait été levé le jour même. Le drapeau vert, rouge et jaune du Cameroun flottait déjà sur les édifices publics. Vers huit heures du soir, des commandos forts de plusieurs dizaines d'hommes attaquèrent simultanément des objectifs déterminés, parmi lesquels un camp de gendarmerie et un aérodrome. Officieusement, on estimait que 1.000 à 1.500 hommes avaient été engagés par ce que l'on appelle déjà "l'Armée de Libération du Cameroun". (En fait, c'est au dernier moment que les responsables upécistes recrutent les troupes nécessaires et ils disparaissent généralement dès que l'action s'engage.) L'effet de surprise fut à peu près total et plusieurs gendarmes tombèrent sans avoir pu se défendre. Il semble que les autorités avaient été prévenues qu'une attaque aurait lieu, mais seulement le lendemain soir...

Certains upéciste" purent ainsi pénétrer sur le terrain d'aviation, causant quelques dégâts à la tour de contrôle et essayant, mais en vain, de saboter un avion. Officiellement, le lendemain, on annonçait 25 tués et plusieurs blessés. Ces chiffres sont nettement au-dessous de la vérité. Des estimations sérieuses que j'ai pu recueillir sur place indiquent au moins une centaine de morts, parmi lesquels neuf dixièmes de terroristes. Le lendemain soir, à Yaoundé, la capitale administrative et la seconde ville du pays, les insurgés repassaient à l'action, mais selon d'autres méthodes. A Douala, ils avaient voulu faire la preuve de leur force et de leur coordination. Cela leur était impossible a Yaoundé : ils eurent recours à l'assassinat aveugle. Descendus d'un taxi, ils abattirent à coups de machettes six Camerounais qui se trouvaient là. Le résultat de ces assassinats fut la peur, incontrôlable, irrésistible. Les chauffeurs africains n'osaient plus s'aventurer de nuit dans le quartier où s'était déroulé l'attentat. Les Camerounais se terraient dans leurs cases.

L'oeuvre française

Le soleil du 1er janvier éclaira une ville transformée. Dans les rues de Yaoundé, qui s'étirent entre les collines comme les pattes d'une araignée géante, apparurent, en joyeux cortèges, les femmes aux pagnes chatoyants. Le matin, très tôt, M. Bénard, premier ambassadeur de France au Cameroun, avait présenté ses lettres de créance à M. Ahidjo. De partout, dans un tintamarre assourdissant de klaxons, surgissaient les voitures officielles. Tout le monde se rendait près du stade, où le président du Conseil camerounais devait proclamer l'indépendance de son pays et prononcer son premier discours de chef d'un Etat souverain.

Très vite, l'émotion s'empara de l'assistance, surtout des Français. Il faut l'avouer: chacun avait craint le pire. La foule était là, massée sur la place de l'Indépendance. Partout une débauche de vert, de rouge, de jaune. Des applaudissements, des cris. A la tribune, autour de M. Ahidjo, M. Hammarskjoeld représentait les Nations Unies, M. Jacquinot la France, M. Cabot-Lodge les Etats-Unis, M. Firioubine l'U.R.S.S., des dizaines de ministres ou de diplomates de soixante pays du monde.

"J'ai maudit dans mon cœur ce moment, devait me déclarer quelques heures plus tard une Européenne installée au Cameroun depuis plusieurs années. Mais aujourd'hui, expliquez ça comme vous pourrez, je suis heureuse..."

Tout le défilé fut comme un hommage direct à l'oeuvre française. La langue, les méthodes, les travers, on retrouvait tout de la France. Ce ne fut pas sans fierté que les officiers supérieurs français virent défiler les premiers éléments de la nouvelle armée camerounaise au son du "Chant du départ"...

"Nous ne nous étions pas trompés, affirma M. Ahidjo dans son discours. Nous devons aux Nations Unies et à la puissance tutrice, la France, de nous avoir aidés à construire notre nation en dehors de la haine et de la force. Qu'elles en soient remerciées! Nous ne croyons pas, en effet, comme quelques-uns, attardés dans un romantisme désuet, que des luttes meurtrières soient nécessaires au mouvement de l'Histoire et que les nations doivent se créer dans le sang... "

Comme un Dieu

"Là est bien la réussite de M. Ahidjo. A 39 ans, cet homme d'origine modeste a déjà un long passé d'homme politique. Elu de la ville de Garoua, où il a épousé la fille du Lamido local (1), il passe par l'Assemblée de l'Union française avant de devenir d'abord ministre, puis, en février 1958, président du Conseil camerounais.

Son programme comprenait alors cinq points principaux. D'abord, l'accession à l'autonomie interne totale ; ensuite, la détermination du calendrier devant conduire à l'indépendance du Cameroun, la coopération avec la France dans la liberté, la réunification des deux Cameroun" et la réconciliation nationale. Les trois premiers objectifs ont été atteints la semaine dernière. Le quatrième est sur le point de l'être : M. Foncha, leader du Cameroun britannique du Sud, présent aux fêtes de Yaoundé, a indiqué à maintes reprises son accord.

Mais la réconciliation nationale reste à faire, bien que certains résultats encourageants aient déjà été obtenus.

Tout en se réclamant de lui, les successeurs d'Uni Nyobé, le fondateur de l'U.P.C., sont en effet très divisés. Ceux qui l'ont approché peu avant sa fin tragique - il a été abattu par hasard, dit-on, par une patrouille qui a tiré à vue - affirment qu'il était sur le point de rentrer dans la légalité et d'accepter le jeu parlementaire. Son opposition armée n'avait pu empêcher les élections, ni la promesse de l'indépendance à terme du Cameroun: elle l'avait seulement mis hors circuit. Il était pourtant le seul qui eût réussi à dépasser les limites tribales: des régions entières l'adoraient comme un dieu.

Après sa disparition, un de ses lieutenants, M. Mahi Matip, décida de faire confiance aux autorités. Profitant de l'amnistie décrétée par le gouvernement de M. Ahidjo, il fit sortir les troupes des maquis. Peu après, il était triomphalement élu en Sanaga maritime à une élection partielle.

Un des amis de M. Matip, lui aussi député, me disait: "Nous sommes rentrés dans la légalité. Nous avons fait la preuve de notre audience. La Sanaga est calme. Mais pour combien de temps? Nos amis nous disent déjà que nous nous sommes trompés et veulent eux aussi repasser à l'action directe. Mais nous sommes contre la violence. Je vais vous dire quelles sont les conditions d'une vraie réconciliation au Cameroun. D'abord, une table ronde ouverte à tous, la condamnation de la violence et une amnistie totale et inconditionnelle. Ensuite, l'élargissement du gouvernement pour la mise au point d'une loi électorale et l'élection d'une Constituante..."

Mon interlocuteur pèse chacun de ses mots. On le sent à la fois anxieux et résolu. Pour lui, il n'y a plus de raisons, après l'indépendance, pour que l'U.P.C. demeure interdite: ce sont précisément ses objectifs qui ont été atteints. Elle doit pouvoir s'exprimer dans tout le pays. Et "la table ronde est le meilleur moyen de démasquer ceux dont les mobiles sont le banditisme ou l'ambition personnelle.

D'autres héritiers spirituels d'Uni Nyobé, en revanche, continuent de prôner la violence. Parmi ces derniers, le plus connu est Félix Moumié. M. Moumié, d'abord réfugié au Caire, puis passé depuis quelques mois à Conakry, en Guinée, revendique la responsabilité des troubles qui ensanglantent actuellement le Cameroun et multiplie les appels à la violence. Il ne s'agit pas seulement de Douala, mais aussi du pays mungo et surtout du pays bamiléké, en bordure de la frontière britannique, derrière laquelle les bandes vont souvent se réfugier.

"Les Chinois d'Afrique"

Les chiffres que j'ai obtenus des sources les plus sûres sont impressionnants. Les rebelles seraient forts de 30.000 à 50.000 hommes. Ils ne disposent que de quelques dizaines de fusils de chasse, d'un ou deux fusils-mitrailleurs et d'une cinquantaine de P.M. importés de Tchécoslovaquie. Il existe déjà de véritables "zones interdites" où les rebelles font la loi et où serait même constitué un comité révolutionnaire. De folles rumeurs circulaient chez les Africains la veille de l'indépendance : certains s'attendaient que les rebelles tentent de s'emparer de la ville de Dschang, petite agglomération du pays bamiléké dont les environs sont "pourris". Jusqu'à présent, ces bandes, fortes parfois de plusieurs centaines d'hommes, n'étaient guère coordonnées. Mais on a remarqué ces dernières semaines une tendance à une organisation plus serrée.

Certains faits précis prouvent leur influence : sur un mot d'ordre, appuyé par une série d'exécutions, les planteurs noirs de ces régions ont pratiquement cessé toute exportation de bananes. On craint qu'il n'en soit de même pour le cacao, ce qui aurait des conséquences graves sur l'économie camerounaise. On affirme aussi que des sommes importantes sont collectées auprès des paysans. Le gouvernement camerounais a mis sur pied des "milices d'autodéfense" et vient d'envoyer en pays bamiléké un "ministre-résident".

Pourquoi cette relance de la rébellion, alors que le calme est revenu en Sanaga maritime ? Il y a, bien sûr, l'action de M. Moumié, appuyé par la Guinée et divers pays afro-asiatiques, comme on a pu le voir au dernier débat sur le Cameroun au Conseil de tutelle de l'O.N.U. Mais il y a surtout le fait que le pays bamiléké offrait un terrain particulièrement favorable. Au nombre de 500.000 sur la surface de deux ou trois départements français - densité considérable pour l'Afrique - les Bamilékés figurent parmi les races les plus intelligentes et les plus industrieuses de l'Afrique. Ils ont émigré dans tout le Cameroun et sont fortement scolarisés (comme tout le sud du Cameroun : près de 90 % contre 60 % au nord). On les appelle à Yaoundé les Auvergnats du coin ou encore "les Chinois de l'Afrique". Or, sur leur territoire surpeuplé se maintiennent des structures périmées: ces chefferies dont ils essaient en vain d'obtenir la transformation.

On retrouve là la deuxième face de toute lutte d'émancipation: la volonté de transformation révolutionnaire des conditions de vie ou de travail. Malgré une œuvre sociale et scolaire exceptionnelle dans ce pays qui était une "vitrine" internationale, la France a laissé les structures administratives en l'état. Elles éclatent aujourd'hui. Et les chômeurs de New-Bell, par milliers, attendent du travail. Pour "exorciser" Um Nyobé, il aurait fallu non seulement accorder l'indépendance, mais aussi prendre en charge son effort révolutionnaire intérieur.

C'est là que les difficultés commencent, parce qu'il y a aussi le Nord...

Ce Nord, je l'ai découvert à Garoua, fief de M. Ahidjo, Pour la première fois au cours de toutes ces cérémonies, M. Ahidjo était détendu, heureux, souriant. Vêtu d'un somptueux boubou blanc, la tête coitfée d'une petite calotte brodée, il a présidé devant les invités émerveilles une somptueuse "fantasia" comparable seulement aux fêtes qui ont marqué l'autonomie interne de la Nigeria du Nord. Pendant près de deux heures, les "lamibé" (pluriel de "lamido") ont défilé, entourés de leur cour et de leurs guerriers. Cavaliers, chevaux harnachés, griots, trompettes, tamtams, cela tenait à la fois du moyen âge, des chevauchées arabes et des mises en scène de Cecil B. de Mille. Autour de nous, des milliers de personnes, dansant, hurlant, gesticulant, applaudissant: certaines avaient fait deux ou trois cents kilomètres. C'était là ce Nord-Cameroun où une minorité de Foulbé noirs et musulmans, guerriers et féodaux, règnent sur quelques dizaines de tribus païennes.

La chance de M. Ahidjo

C'est sur eux que s'appuie M. Ahidjo, même s'il essaie de faire évoluer la région en y envoyant les meilleurs spécialistes agricoles et les fonctionnaires les plus compétents. Tel est le dilemme: comment supprimer les chefferies dans le Sud "occidentalisé" et en marche vers l'avenir et conserver en même temps l'indispensable appui du Nord ? Tout le drame du Cameroun est dans cette contradiction.

La chance de M. Ahidjo est d'être actuellement la seule "charnière" possible entre ces deux mondes. Le Nord est dix fois plus proche de la Nigeria du Nord ou du Tchad que de Douala. Mais une jeune génération monte, dont les exigences et la volonté de réformes vont prendre du poids. Le Sud est en proie à l'agitation. Mais il y a là aussi des hommes assez sages pour reconnaître que la violence n'aboutirait, en plus des pertes humaines, qu'à l'éclatement du Cameroun.

Pour l'instant, M. Ahidjo a le sentiment profond de la légitimité de son gouvernement. La présence à ses côtés non seulement de la France, mais aussi de l'U.R.S.S., de l'Angleterre et des Etats-Unis, a été pour lui, après le vote des Nations Unies, comme une seconde investiture internationale. M. Sékou Touré lui-même a envoyé un télégramme de félicitations.

Mais pour construire l'unité nationale du Cameroun, il lui faut rétablir la paix. Il offre "une amnistie, non un armistice". Cela marque les limites de sa position vis-à-vis des rebelles.

Maintenant, le référendum constitutionnel aura lieu à la fin du mois. Des élections générales sont prévues pour avril. Les prochaines semaines vont décider de tout.

(1) Chefs traditionnels de" régions nord-camerounaises, qui ont les pouvoir" temporels et religieux de sultani en miniature.




Par Claude Krief, publié le 07/01/1960
Dans les archives de L'Express Janvier 196

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26 juin 2010

Janvier 1960: Cameroun, le deuxième mari

       

Dès le 1er janvier 1960, le Cameroun ouvre le bal des indépendances. Mais un bal fiévreux, tendu, sanglant. Envoyé spécial de L'Express, Claude Krief raconte.

     

Rues illuminées et désertes. Chaleur pesante et moite. Visages fermés. Sang à Yaoundé. Sang à Douala. La peur. Cette impression de malaise parmi les personnalités venues du monde entier. Une retraite aux flambeaux, quelques manifestations annulées. Ce chauffeur qui nous quitte pour aller chercher son fusil à la tombée de la nuit. Les premières heures de l'indépendance camerounaise, qui ont coïncidé avec la nuit du réveillon, n'ont guère fait retentir les tam-tams de la liesse populaire.

"M. Ahidjo, le président du Conseil camerounais se bat contre un fantôme qui arme aujourd'hui la main des terroristes et ferme les coeurs", me disait, ce soir-là, un diplomate étranger, tandis que s'égrenaient dans le lointain les cent un coups de canon célébrant la souveraineté de notre ancien territoire sous tutelle, "Ce fantôme, c'est celui de Ruben Um Nyobé, le fondateur de l'Union des populations camerounaises, tué en septembre 1958 au fond des maquis de la Sanaga maritime. Ou, si vous préférez, M. Ahidjo est comme le second époux d'une femme qui ne veut pas oublier son premier mari."

C'est du Sud que sont partis les mouvements de lutte pour l'émancipation et l'unité nationale du Cameroun

Ces remarques sont vraies pour une large partie de ce pays divisé en dizaines de groupes ethniques, mais elles s'appliquent surtout au Sud et en particulier à Douala, la capitale économique, la ville aux dizaines de milliers de chômeurs, néo-prolétariat qui s'entasse dans les bidonvilles africains. C'est du Sud qu'était originaire Um Nyobé et du Sud que sont partis les mouvements de lutte pour l'émancipation et l'unité nationale du Cameroun. M. Ahidjo, musulman et homme du Nord, l'a publiquement reconnu à Douala. Mais le fait est là: les "Upécistes", qui ont le sentiment d'avoir été les véritables artisans de l'indépendance camerounaise, tiennent M. Ahidjo pour un "usurpateur", et les extrémistes, faute d'avoir arraché leur souveraineté à la France par un combat victorieux, n'hésitent pas à relancer une véritable guerre civile.

La nuit du 30 décembre

Le but des terroristes de l'U.P.C. était clair! les déclarations faites à l'étranger et les tracts circulant dans les villes camerounaises affirmaient que le 1er janvier se déroulerait dans l'insurrection générale. Or, le total des forces de sécurité présentes dans un pays grand comme les quatre cinquièmes de la France s'élève à moins de 5.000 hommes, y compris 2.600 soldats français. Ces chiffres donnent la mesure de l'échec relatif des Upécistes.

Douala se souviendra de cette nuit du 30 décembre. Le couvre-feu, imposé depuis plusieurs mois, avait été levé le jour même. Le drapeau vert, rouge et jaune du Cameroun flottait déjà sur les édifices publics. Vers huit heures du soir, des commandos forts de plusieurs dizaines d'hommes attaquèrent simultanément des objectifs déterminés, parmi lesquels un camp de gendarmerie et un aérodrome. Officieusement, on estimait que 1.000 à 1.500 hommes avaient été engagés par ce que l'on appelle déjà "l'Armée de Libération du Cameroun". (En fait, c'est au dernier moment que les responsables upécistes recrutent les troupes nécessaires et ils disparaissent généralement dès que l'action s'engage.) L'effet de surprise fut à peu près total et plusieurs gendarmes tombèrent sans avoir pu se défendre. Il semble que les autorités avaient été prévenues qu'une attaque aurait lieu, mais seulement le lendemain soir...

Certains upéciste" purent ainsi pénétrer sur le terrain d'aviation, causant quelques dégâts à la tour de contrôle et essayant, mais en vain, de saboter un avion. Officiellement, le lendemain, on annonçait 25 tués et plusieurs blessés. Ces chiffres sont nettement au-dessous de la vérité. Des estimations sérieuses que j'ai pu recueillir sur place indiquent au moins une centaine de morts, parmi lesquels neuf dixièmes de terroristes. Le lendemain soir, à Yaoundé, la capitale administrative et la seconde ville du pays, les insurgés repassaient à l'action, mais selon d'autres méthodes. A Douala, ils avaient voulu faire la preuve de leur force et de leur coordination. Cela leur était impossible a Yaoundé : ils eurent recours à l'assassinat aveugle. Descendus d'un taxi, ils abattirent à coups de machettes six Camerounais qui se trouvaient là. Le résultat de ces assassinats fut la peur, incontrôlable, irrésistible. Les chauffeurs africains n'osaient plus s'aventurer de nuit dans le quartier où s'était déroulé l'attentat. Les Camerounais se terraient dans leurs cases.

L'oeuvre française

Le soleil du 1er janvier éclaira une ville transformée. Dans les rues de Yaoundé, qui s'étirent entre les collines comme les pattes d'une araignée géante, apparurent, en joyeux cortèges, les femmes aux pagnes chatoyants. Le matin, très tôt, M. Bénard, premier ambassadeur de France au Cameroun, avait présenté ses lettres de créance à M. Ahidjo. De partout, dans un tintamarre assourdissant de klaxons, surgissaient les voitures officielles. Tout le monde se rendait près du stade, où le président du Conseil camerounais devait proclamer l'indépendance de son pays et prononcer son premier discours de chef d'un Etat souverain.

Très vite, l'émotion s'empara de l'assistance, surtout des Français. Il faut l'avouer: chacun avait craint le pire. La foule était là, massée sur la place de l'Indépendance. Partout une débauche de vert, de rouge, de jaune. Des applaudissements, des cris. A la tribune, autour de M. Ahidjo, M. Hammarskjoeld représentait les Nations Unies, M. Jacquinot la France, M. Cabot-Lodge les Etats-Unis, M. Firioubine l'U.R.S.S., des dizaines de ministres ou de diplomates de soixante pays du monde.

"J'ai maudit dans mon cœur ce moment, devait me déclarer quelques heures plus tard une Européenne installée au Cameroun depuis plusieurs années. Mais aujourd'hui, expliquez ça comme vous pourrez, je suis heureuse..."

Tout le défilé fut comme un hommage direct à l'oeuvre française. La langue, les méthodes, les travers, on retrouvait tout de la France. Ce ne fut pas sans fierté que les officiers supérieurs français virent défiler les premiers éléments de la nouvelle armée camerounaise au son du "Chant du départ"...

"Nous ne nous étions pas trompés, affirma M. Ahidjo dans son discours. Nous devons aux Nations Unies et à la puissance tutrice, la France, de nous avoir aidés à construire notre nation en dehors de la haine et de la force. Qu'elles en soient remerciées! Nous ne croyons pas, en effet, comme quelques-uns, attardés dans un romantisme désuet, que des luttes meurtrières soient nécessaires au mouvement de l'Histoire et que les nations doivent se créer dans le sang... "

Comme un Dieu

"Là est bien la réussite de M. Ahidjo. A 39 ans, cet homme d'origine modeste a déjà un long passé d'homme politique. Elu de la ville de Garoua, où il a épousé la fille du Lamido local (1), il passe par l'Assemblée de l'Union française avant de devenir d'abord ministre, puis, en février 1958, président du Conseil camerounais.

Son programme comprenait alors cinq points principaux. D'abord, l'accession à l'autonomie interne totale ; ensuite, la détermination du calendrier devant conduire à l'indépendance du Cameroun, la coopération avec la France dans la liberté, la réunification des deux Cameroun" et la réconciliation nationale. Les trois premiers objectifs ont été atteints la semaine dernière. Le quatrième est sur le point de l'être : M. Foncha, leader du Cameroun britannique du Sud, présent aux fêtes de Yaoundé, a indiqué à maintes reprises son accord.

Mais la réconciliation nationale reste à faire, bien que certains résultats encourageants aient déjà été obtenus.

Tout en se réclamant de lui, les successeurs d'Uni Nyobé, le fondateur de l'U.P.C., sont en effet très divisés. Ceux qui l'ont approché peu avant sa fin tragique - il a été abattu par hasard, dit-on, par une patrouille qui a tiré à vue - affirment qu'il était sur le point de rentrer dans la légalité et d'accepter le jeu parlementaire. Son opposition armée n'avait pu empêcher les élections, ni la promesse de l'indépendance à terme du Cameroun: elle l'avait seulement mis hors circuit. Il était pourtant le seul qui eût réussi à dépasser les limites tribales: des régions entières l'adoraient comme un dieu.

Après sa disparition, un de ses lieutenants, M. Mahi Matip, décida de faire confiance aux autorités. Profitant de l'amnistie décrétée par le gouvernement de M. Ahidjo, il fit sortir les troupes des maquis. Peu après, il était triomphalement élu en Sanaga maritime à une élection partielle.

Un des amis de M. Matip, lui aussi député, me disait: "Nous sommes rentrés dans la légalité. Nous avons fait la preuve de notre audience. La Sanaga est calme. Mais pour combien de temps? Nos amis nous disent déjà que nous nous sommes trompés et veulent eux aussi repasser à l'action directe. Mais nous sommes contre la violence. Je vais vous dire quelles sont les conditions d'une vraie réconciliation au Cameroun. D'abord, une table ronde ouverte à tous, la condamnation de la violence et une amnistie totale et inconditionnelle. Ensuite, l'élargissement du gouvernement pour la mise au point d'une loi électorale et l'élection d'une Constituante..."

Mon interlocuteur pèse chacun de ses mots. On le sent à la fois anxieux et résolu. Pour lui, il n'y a plus de raisons, après l'indépendance, pour que l'U.P.C. demeure interdite: ce sont précisément ses objectifs qui ont été atteints. Elle doit pouvoir s'exprimer dans tout le pays. Et "la table ronde est le meilleur moyen de démasquer ceux dont les mobiles sont le banditisme ou l'ambition personnelle.

D'autres héritiers spirituels d'Uni Nyobé, en revanche, continuent de prôner la violence. Parmi ces derniers, le plus connu est Félix Moumié. M. Moumié, d'abord réfugié au Caire, puis passé depuis quelques mois à Conakry, en Guinée, revendique la responsabilité des troubles qui ensanglantent actuellement le Cameroun et multiplie les appels à la violence. Il ne s'agit pas seulement de Douala, mais aussi du pays mungo et surtout du pays bamiléké, en bordure de la frontière britannique, derrière laquelle les bandes vont souvent se réfugier.

"Les Chinois d'Afrique"

Les chiffres que j'ai obtenus des sources les plus sûres sont impressionnants. Les rebelles seraient forts de 30.000 à 50.000 hommes. Ils ne disposent que de quelques dizaines de fusils de chasse, d'un ou deux fusils-mitrailleurs et d'une cinquantaine de P.M. importés de Tchécoslovaquie. Il existe déjà de véritables "zones interdites" où les rebelles font la loi et où serait même constitué un comité révolutionnaire. De folles rumeurs circulaient chez les Africains la veille de l'indépendance : certains s'attendaient que les rebelles tentent de s'emparer de la ville de Dschang, petite agglomération du pays bamiléké dont les environs sont "pourris". Jusqu'à présent, ces bandes, fortes parfois de plusieurs centaines d'hommes, n'étaient guère coordonnées. Mais on a remarqué ces dernières semaines une tendance à une organisation plus serrée.

Certains faits précis prouvent leur influence : sur un mot d'ordre, appuyé par une série d'exécutions, les planteurs noirs de ces régions ont pratiquement cessé toute exportation de bananes. On craint qu'il n'en soit de même pour le cacao, ce qui aurait des conséquences graves sur l'économie camerounaise. On affirme aussi que des sommes importantes sont collectées auprès des paysans. Le gouvernement camerounais a mis sur pied des "milices d'autodéfense" et vient d'envoyer en pays bamiléké un "ministre-résident".

Pourquoi cette relance de la rébellion, alors que le calme est revenu en Sanaga maritime ? Il y a, bien sûr, l'action de M. Moumié, appuyé par la Guinée et divers pays afro-asiatiques, comme on a pu le voir au dernier débat sur le Cameroun au Conseil de tutelle de l'O.N.U. Mais il y a surtout le fait que le pays bamiléké offrait un terrain particulièrement favorable. Au nombre de 500.000 sur la surface de deux ou trois départements français - densité considérable pour l'Afrique - les Bamilékés figurent parmi les races les plus intelligentes et les plus industrieuses de l'Afrique. Ils ont émigré dans tout le Cameroun et sont fortement scolarisés (comme tout le sud du Cameroun : près de 90 % contre 60 % au nord). On les appelle à Yaoundé les Auvergnats du coin ou encore "les Chinois de l'Afrique". Or, sur leur territoire surpeuplé se maintiennent des structures périmées: ces chefferies dont ils essaient en vain d'obtenir la transformation.

On retrouve là la deuxième face de toute lutte d'émancipation: la volonté de transformation révolutionnaire des conditions de vie ou de travail. Malgré une œuvre sociale et scolaire exceptionnelle dans ce pays qui était une "vitrine" internationale, la France a laissé les structures administratives en l'état. Elles éclatent aujourd'hui. Et les chômeurs de New-Bell, par milliers, attendent du travail. Pour "exorciser" Um Nyobé, il aurait fallu non seulement accorder l'indépendance, mais aussi prendre en charge son effort révolutionnaire intérieur.

C'est là que les difficultés commencent, parce qu'il y a aussi le Nord...

Ce Nord, je l'ai découvert à Garoua, fief de M. Ahidjo, Pour la première fois au cours de toutes ces cérémonies, M. Ahidjo était détendu, heureux, souriant. Vêtu d'un somptueux boubou blanc, la tête coitfée d'une petite calotte brodée, il a présidé devant les invités émerveilles une somptueuse "fantasia" comparable seulement aux fêtes qui ont marqué l'autonomie interne de la Nigeria du Nord. Pendant près de deux heures, les "lamibé" (pluriel de "lamido") ont défilé, entourés de leur cour et de leurs guerriers. Cavaliers, chevaux harnachés, griots, trompettes, tamtams, cela tenait à la fois du moyen âge, des chevauchées arabes et des mises en scène de Cecil B. de Mille. Autour de nous, des milliers de personnes, dansant, hurlant, gesticulant, applaudissant: certaines avaient fait deux ou trois cents kilomètres. C'était là ce Nord-Cameroun où une minorité de Foulbé noirs et musulmans, guerriers et féodaux, règnent sur quelques dizaines de tribus païennes.

La chance de M. Ahidjo

C'est sur eux que s'appuie M. Ahidjo, même s'il essaie de faire évoluer la région en y envoyant les meilleurs spécialistes agricoles et les fonctionnaires les plus compétents. Tel est le dilemme: comment supprimer les chefferies dans le Sud "occidentalisé" et en marche vers l'avenir et conserver en même temps l'indispensable appui du Nord ? Tout le drame du Cameroun est dans cette contradiction.

La chance de M. Ahidjo est d'être actuellement la seule "charnière" possible entre ces deux mondes. Le Nord est dix fois plus proche de la Nigeria du Nord ou du Tchad que de Douala. Mais une jeune génération monte, dont les exigences et la volonté de réformes vont prendre du poids. Le Sud est en proie à l'agitation. Mais il y a là aussi des hommes assez sages pour reconnaître que la violence n'aboutirait, en plus des pertes humaines, qu'à l'éclatement du Cameroun.

Pour l'instant, M. Ahidjo a le sentiment profond de la légitimité de son gouvernement. La présence à ses côtés non seulement de la France, mais aussi de l'U.R.S.S., de l'Angleterre et des Etats-Unis, a été pour lui, après le vote des Nations Unies, comme une seconde investiture internationale. M. Sékou Touré lui-même a envoyé un télégramme de félicitations.

Mais pour construire l'unité nationale du Cameroun, il lui faut rétablir la paix. Il offre "une amnistie, non un armistice". Cela marque les limites de sa position vis-à-vis des rebelles.

Maintenant, le référendum constitutionnel aura lieu à la fin du mois. Des élections générales sont prévues pour avril. Les prochaines semaines vont décider de tout.

(1) Chefs traditionnels de" régions nord-camerounaises, qui ont les pouvoir" temporels et religieux de sultani en miniature.

Par Claude Krief, publié le 07/01/1960 à 16:27

26 juin 2010

Article des Annales de la FALSH

27 février 2009

L’uranium de Poli dans le Nord Cameroun bientôt exploité ?

imagesDepuis les années 70, l’information sur la présence de l’uranium dans les montagnes de Poli est connue. Des idées reçues selon lesquelles cet uranium cause l’infécondité des femmes, le nanisme et le crétinisme dans la région, sont également connues. Depuis mars 2006, le ministère de l’industrie, des mines et du développement technologique a accordé un permis de recherche sur une superficie de 1000km² à la société Nu Energy Corporation Cameroon, une filiale de Mega Uranium Ltd basée au Canada. C’est sous l’initiative de cette dernière qu’une réunion de présentation du projet s’est tenue à Poli, impliquant les populations et les leaders locaux. Le projet suscite à la fois l’espoir de voir ce département le plus enclavé et le plus pauvre de la province du nord sortir de sa pauvreté et la crainte de l’irradiation par ce minerai redouté. Les promoteurs du projet ont rassuré les communautés locales « l’exploitation de l’uranium se fait suivant des normes et sous le contrôle, entre autres, de l’Agence internationale de l’énergie atomique. ».

Cameroon Tribune, 30/01/2008

L'uranium

L'uranium au Canada

La fabrication de combustible et d'armements nucléaires commence avec l'uranium, métal extrêmement lourd présent sous forme de minérale dans des gisements souterrains de plusieurs régions du monde, y compris le Canada, l'Australie, l'Afrique du Sud, les États Unis et la France.  Après son extraction, le minerai d'uranium est broyé, traité, affiné et, dans certains cas, enrichi avant de servir à la fabrication de combustible nucléaire ou d'armes nucléaires -- ou les deux.

Le Canada est le plus important producteur et exportateur d'uranium au monde.  Il abrite également le siège social de Cameco, la plus importante société d'exploitation de l'uranium au monde, formée en 1988 avec la fusion de deux sociétés de la Couronne, soit Eldorado nucléaire Limitée et la Saskatchewan Mining Development Corporation.  Aujourd'hui, la Saskatchewan et l'Ontario exploitent des mines d'uranium tandis que les Territoires du Nord-Ouest l'ont fait dans le passé.  On a fait de l'exploration pour l'uranium partout au Canada.  La Colombie Britannique a imposé un moratoire de sept ans sur l'exploitation minière en 1980, tandis que la Nouvelle Écosse a mis l'exploitation et l'exploration en veilleuse. 

En dépit d'une baisse des prix, les sociétés de l'exploitation d'uranium poursuivent leurs efforts d'expansion en Saskatchewan et dans les Territoires du NordOuest.

L'exploitation de l'uranium comporte certains atouts, comme les revenus de l'exportation et la création d'emplois (quoique dangereux et relativement éphémères).  Toutefois, les effets négatifs de l'exploitation sur l'environnement, l'économie, les autochtones et la santé l'emportent sur ces avantages.

Les risques pour la santé

Lorsqu'il se désintègre, l'uranium émet de l'énergie et se transforme en substances diverses qui se désintègrent à leur tour, tout en produisant de l'énergie radioactive (voir tableau, page 2).  Ces matières émettent des radiations  de faible intensité capables de pénétrer les cellules et de modifier les molécules nécessaires à un fonctionnement normal.  C'est cela qui pose le risque le plus important pour la santé.

Les effets nocifs des radiations atomiques -- cancer, leucémie, problèmes de reproduction et troubles génétiques -- ont fait l'objet d'importants débats.  Des documents récents, comme le rapport «BEIR V» publié aux ÉtatsUnis, concluent que les radiations atomiques sont beaucoup plus dangereuses qu'on ne le croyait.  Aujourd'hui, la plupart des scientifiques considèrent que toute exposition aux radiations atomiques constitue un risque pour la santé. 

À l'état naturel, l'uranium est dangereux parce qu'il peut émettre des produits de désintégration radioactifs comme le radon et le radium dans l'environnement.  Le minerai d'uranium extrait du sol et broyé est plus dangereux encore, car il expose davantage les humains, la faune et la flore à la radioactivité de l'uranium lui-même et des gaz et solides radioactifs qu'il répand dans l'environnement.


Voici la chaine de désintégration radioactif de l'uranium-238

Le tableau ci-dessous énumère, dans leur ordre d'apparition, tous les produits de désintégration de l'uranium-238. Chaque élément radioactif présenté ici émet de la radiation alpha ou béta -- et quelquefois de la radiation gamma également -- et se transforme donc en l'élément qui le suit dans la liste.

Pendant l'étape de broyage de l'uranium, presque tout l'uranium lui- même est extrait de la roche écrasée, mais les produits de désintégration sont laissées dans les résidus -- ce qui fait en sorte que 85 pour cent de la radioactivité du minerai originel est abandonée dans les résidus.

Dans le tableau, la bande horizontale à côté du nom de chaque produit de désintégration indique la « demi-vie » de cette substance, selon une échelle logarithmique -- où chaque demi-pouce vers la droite représente une multiplication par un facteur de mille.  Le plomb-206, dernier élément de la liste, n'est pas radioactif.  Il ne fait pas l'objet de désintégration et n'a donc pas de demi- vie.

 

Qu'est-ce que la « demi-vie » d'un élément radioactif?

La demi-vie d'un élément radioactif c'est la temps que ça prend pour que la moitié de ses atomes se désintègrent -- et se tranforment en quelque chose d'autre.  Par exemple, la demi-vie du radium-226 est de 1 600 ans (tel qu'indiqué sur le table ci-dessus).  Par conséquent, en 1 600 ans, un gramme de radium-226 va se transformer en un demi-gramme de radium-226 et en un demi-gramme de quelque chose d'autre (d'autres produits de désintégration radioactif).  Après qu'un autre 1 600 ans se sont écoulé, il ne reste qu'un quart de gramme du radium-226 originel.

Une quantité de n'importe quel élément radioactif diminue d'un facteur de mille (1 000) en l'espace de 10 demi-vies.  Par conséquent, en 16 000 ans, un gramme de radium-226 se décomposera en un milligramme de radium-226 et en 999 milligrammes d'autres produits de désintégration.  De même, en 760 000 ans, un gramme de thorium-230 sera réduit à un milligramme, à cause de la demi-vie de 76 000 ans du thorium-230, tel qu'indiqué dans le tableau ci-dessus.


 

Les sousproduits d'uranium

Libéré en grande quantité par l'activité minière, le gaz radon-222 peut parcourir des milliers de kilomètres en quelques jours sans jamais trop s'éloigner de la surface du sol, à cause de sa pesanteur. Le radon s'émane aussi en grande quantité des montagnes de résidus miniers radioactifs entassés à proximité de ces mines. Or plusieurs personnes sont mortes du cancer après avoir été longtemps exposées à d'infimes quantités de radon.  Des programmes élaborés dans plusieurs pays (le Canada exclu) permettent de contrôler la quantité de radon chez soi.

Le radon se désintègre en sousproduits appelés les produits de filiation du radon.  Absorbées par le corps, ces substances peuvent provoquer le cancer du poumon, des maladies du sang, des troubles rénaux et des problèmes de reproduction.  Poussé par le vent, le radon dépose sur le sol ses produits de filiation, qui s'infiltrent dans la faune et la flore.

Le radium-226 est un autre sousproduit de l'uranium en désintégration.  Il est un métal lourd radioactif.  Il servait autrefois à la fabrication de peintures luminescentes.  Parmi ceux qui ont fabriqué ou utilisé ces produits, plusieurs sont morts d'un cancer des os, du sinus ou de l'apophyse mastoïde (extension osseuse du crâne située derrière l'oreille.  C'est pourquoi le radium est utilisé aujourd'hui en quantités infimes, à des seules fins médicales.  En dépit de son caractère dangereux, le radium est rejeté avec les résidus miniers, où il continue toujours à produire le gaz radon par désintégration radioactive.

De tous les sousproduits de la désintégration de l'uranium, le thorium-230 a la demivie la plus longue, soit 76 000 ans.  Il est particulièrement toxique pour le foie et les reins.  Les radiations qu'il émet peuvent pénétrer le corps même à grande distance.  De toute façon, il est dangereux même s'il n'est pas absorbé par le corps.  Il se désintègre en radium-226.

Les risques pour les mineurs

Bien que nous soyons tous exposés aux dangers de l'exploitation minière de l'uranium, les personnes qui courent le plus grand risque sont les mineurs qui transportent l'uranium vers la surface.  Les produits de filiation du radon sont présents dans la poussière microscopique qu'ils respirent. Ces particules radioactives s'infiltrent à demeure dans les poumons, dont ils endommagent les tissus.

Au Canada, de nombreux témoignages font ressortir la nature meurtrière de l'exploitation de l'uranium.  Publié en 1982 par la Commission de contrôle de l'énergie atomique, le rapport Thomas/MacNeil a révélé qu'un mineur exposé pendant 50 ans aux doses maximales de radiations permises par la loi serait quatre fois plus susceptible de contracter un cancer du poumon que le grand public.  À ce rythme là, on pourrait s'attendre qu'un mineur d'uranium sur cinq meure d'un cancer du poumon au Canada.

«The Health Dangers of Uranium Mining», rapport publié en 1980 par la British Columbia Medical Association dans le cadre de la Commission royale d'enquête sur l'exploitation minière de l'uranium, signale «une moisson grandissante de cancers dûs aux radiations chez les mineurs.»  La Commission royale a préparé le chemin pour le moratoire de sept ans sur l'exploitation de l'uranium en Colombie Britannique.

Le gisement de Cigar Lake, un site d'exploitation proposé en Saskatchewan, constitue un risque encore plus grand pour les mineurs à cause de niveaux très élevés de radioactivité.  On y trouve des teneurs allant jusqu'à 60 pour cent uranium, soit 500 fois plus élevées que celles des minerais d'Elliot Lake en Ontario.  Jubilants, les dirigeants de cette exploitation ont qualifié «d'uranium pur» le gisement de Cigar Lake.  Il se pourrait même que leur exploitation exige le recours à des robots.

Or écologistes et travailleurs sont très inquiets.  Au dire d'un représentant du syndicat des mineurs (United Steel Workers), Cameco procédera à l'extraction de l'uranium au moyen de méthodes qui n'ont pas fait leurs preuves.  En d'autres mots, les travailleurs serviront de cobayes. 

En dépit des préoccupations qui entourent la question des radiations atomiques, le gouvernement de la Saskatchewan est allé de l'avant avec ses projets pour Cigar Lake.  La mine ne fera pas l'objet d'audiences publiques.  Tout ce que le gouvernement exige est que l'Étude d'impact environnemental de la société minière soit accessible au public durant 30 jours pour commentaire.

Les désastres dans l'environnement

L'uranium peut nuire à l'environnement de plusieurs façons.  Voyons d'abord l'impact du processus minier luimême.  Pour extraire l'uranium, il faut détruire de grandes surfaces de terres qui resteront stériles des années durant. Le traitement du minerai exige l'usage de produits chimiques toxiques: ammoniaque, acide chlorhydrique, kérosène et eau oxygénée.   Ces substances sont systématiquement déversées dans l'environnement.

Le plus grand risque pour l'environnement est dû aux résidus miniers laissés par le broyage et le traitement du minerai d'uranium. Ces résidus conservent 85 pour cent de la radioactivité du minerai d'origine sous forme de produits de désintégration qui se regénèrent sans cesse.  Les tas de résidus miniers contiennent également des matières chimiques toxiques: acides, arsenic, nitrates et métaux lourds.  Environ 175 millions de tonnes de résidus jonchent le sol canadien.


Ce mur de sable radioactif, de 10 mètres de haut, retient un véritable lac de ce matériel résidu des opérations de la défunte mine d'uranium Stanrock. Il y a 130 million de tonnes de cette substance dans la région d'Elliot Lake; elle va rester dangereusement radioactive pendant des centaines de milliers d'années. Les compagnies minières cherchent à obtenir du gouvernement canadien la permission de les recouvrir d'eau et de tout simplement les abandonner là.


photo de Robert Del Tredici
tiré de son livre intitulé
At Work In The Fields Of The Bomb
(Harper and Row, 1987)

 



Or personne n'a encore abordé le problème de l'élimination de ces déchets radioactifs. Personne ne s'est encore demandé à qui reviendra cette tâche. En fait, d'immenses tas de résidus ont simplement été abandonnées lors de fermetures de mines.  Laissés dans l'environnement immédiat, ces résidus laissent échapper des poussières radioactives et du radon dont les retombées radioactives se répandront sur de vastes étendues pour des milliers d'années à venir.   

Des études ont démontré que les radiations des résidus miniers ont atteint la végétation des Territoires du NordOuest, les caribous et même la population Inuit de la région.  En Ontario dans les années soixantedix, toute la région de la rivière Serpent, soit un réseau de 88 km de ruisseaux, de lacs et de rivières, est devenu impropre à la consommation car des résidus émanant d'Elliot Lake s'y sont infiltrés.

Les mines d'uranium modernes ont également leur part de problèmes: des pannes et des erreurs dans les systèmes de gestion des déchets ont provoqué plusieurs accidents de pollution.  A cause d'une soupape défectueuse, la mine de Rabbit Lake en Saskatchewan a répandu plus de deux millions de litres d'eau radioactive dans le lac Wollaston.  Les sociétés d'exploitation de l'uranium avaient affirmé qu'il n'y aurait pas d'accidents.  Or ils se sont avérés nombreux.  En 1990, l'International Uranium Congress a précisé que depuis 1980, les trois sites miniers de la Saskatchewan ont été le théâtre de plus de 150 déversements accidentels d'eau radioactive ou autrement contaminée.

La filière des armes

Suite à l'exploitation et au traitement du minerai, l'uranium est destiné à deux fins ultimes: les centrales nucléaires et les armes nucléaires. (Voir nos autres fiches techniques pour en apprendre davantage sur les centrales, les déchets et les armes.)  Bien que le Canada ne soit pas doté d'armes nucléaires, son rôle d'exportateur de combustible et de technologies nucléaires le place parmi les premiers au monde dans la course aux armements.  Aux ÉtatsUnis, la fabrication d'armes nucléaires à partir d'uranium canadien remonte à 1942.  Les premières bombes larguées au Japon avaient été fabriquées avec de l'uranium du Canada et du Congo.  C'est grâce à l'exportation d'uranium et de technologies nucléaires canadiens que l'Angleterre, la France et l'Inde ont pu élaborer des armes nucléaires.

Aujourd'hui, le Canada exporte de l'uranium dans une douzaine de pays y compris les ÉtatsUnis, la France, la GrandeBretagne et la Corée du Sud.   Depuis 1965, les dirigeants de l'industrie affirment que notre uranium ne sert qu'à l'approvisionnement des centrales en combustible, sur la foi de «garanties» très complexes visant à vérifier que les matières et installations fournies par le Canada ne servent pas à la fabrication de bombes.  Toutefois, ces garanties sont nonexécutoires et peuvent être annulées n'importe quand. 

Le Canada demeure le plus grand vendeur de cet ingrédient clé pour la production d'armes nucléaires. Notre pays l'exporte aux pays mêmes qui fabriquent ces armes.

Dans les faits, la plus grande partie de l'uranium exporté aux ÉtatsUnis est destinée à l'armement nucléaire.  Quant au processus d'enrichissement, on compte cinq livres d'uranium appauvri pour chaque livre de produit enrichi.  Or cet uranium appauvri ne fait l'objet d'aucune garantie.  Cependant, il constitue un ingrédient important de l'arsenal nucléaire: bombes à hydrogène, fabrication du plutonium et obus pour canons militaires.

Les Canadiens et les Canadiennes doivent s'interroger: notre pays doit-il poursuivre son rôle de premier plan dans la prolifération des armes nucléaires?  Dans la négative, il faut absolument stopper l'exportation de l'uranium vers les pays qui fabriquent des armes nucléaires.  C'est la moindre des choses que nous puissions faire.

Les désastres d'ordre économique

Quand on considère les riques pour la santé et l'environnement, de même que les risques d'ordre militaire, pourquoi avoir si longtemps encouragé et subventionné l'exploitation de l'uranium?  Entre autres raisons, à cause de l'attrait qu'exercent l'activité économique à court terme et la création d'emplois précaires.  Au Canada, on a exploité des mines d'uranium surtout dans des régions extrêmement défavorisées où les emplois étaient très rares.

Tout bien considéré, toutefois, il est évident que l'exploitation de l'uranium est un échec économique.  Entre 1978 et 1985 environ, l'industrie a créé quelque 5000 emplois qui ont coûté un milliard de dollars, soit plus de 200 000 $ par emploi.  L'industrie du matériel de transport a exigé presqu'un tiers de cette somme, alors que les industries de services comme les garderies et le logement auraient pu créer dix fois plus d'emplois.

En outre, le développement qu'apporte l'exploitation de l'uranium n'est guère plus qu'un feu de paille: quand les mines ferment, les emplois sont perdus.  C'est ainsi qu'on crée des villes fantômes.  Uranium City a été atteinte en 1982, lorsqu'Eldorado nucléaire a fermé la mine de Beaverlodge.  De plus de deux mille, la ville est passée à quelque deux cents âmes.  Des licenciements récents à Elliot Lake en Ontario et dans plusieurs mines de la Saskatchewan ont entraîné la perte de plus de trois mille emplois.

Plusieurs licenciements dans l'industrie sont imputables à la surabondance de l'uranium dans le monde.  En 1990, les prix de l'uranium affichaient une baisse sans précédent: les revenus ont donc été plus faibles que prévu.  En 1989, le gouvernement de la Saskatchewan n'a tiré que 27 millions de dollars de revenus de l'uranium alors qu'il en prévoyait entre 185 et 427 millions.   Ces prix avantageux ont permis à plusieurs pays de stocker notre uranium.  Si les prix mondiaux venaient à augmenter, ces pays pourraient utiliser ces stocks au lieu d'importer notre uranium.

Aujourd'hui, on prône le développement durable en tant que solution aux problèmes environnementaux de la planète.  Or l'expoitation minière, le broyage et le stockage des déchets de l'uranium sont loin de s'inscrire dans cette orientation.  Tout comme le sont les usages civils et militaires qu'on en fait.  Si nous voulons promouvoir des politiques en matière d'énergie et de sécurité durables, le Canada doit mettre fin à l'expansion de l'exploitation et de l'exportation de l'uranium.

- Mai 1991

Des références sur les données présentées dans ce document vous seront fournies sur demande.

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Télécopie:   (613) 241 2292

Nous remercions l'InterChurch Uranium Committee, à qui nous devons la recherche pour ce document de même que sa rédaction, et les Amies de la terre, à qui nous en devons la réalisation.

Documentation recommandée

     

  • Bertell, Rosalie. No Immediate Danger. Toronto: The Women's Press. 1985.
  • Edwards, Gordon. URANIUM: a discussion guide.  Office national du film du Canada. 1990.
  • Goldstick, Miles. Wollaston: People Resisting Genocide.  Montréal: Black Rose Books. 1987.
  • Isacsson, Magnus (directeur).  "Uranium" ~ version française. Vidéo ou film. Office national du film du Canada. 1990.
  • "Nuclear Fudge".  Vidéo ~ en anglais.  Réseau de télévision CTV, émission W5. 1986.

(EXTRAIT DE http://www.ccnr.org/uranium_cnp_f.html)

6 novembre 2008

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4 juillet 2008

Note de CC PHI 446 Théories politiques


Master I Recherche / Cours : PHI 446 Théories politiques

Nom et prénoms

Matricule

Note sur 20

Note sur 100

Total CC

Bounoung Atangana Emeran Yvan

03C161

11

 

 

Kemgue Chiezem Nathaël

04H118

08

 

 

Kosga Gilbert

04H125

13

 

 

Koum Dim Emmanuel

04H430

17

 

 

Manga Nomo Lucien Alain

06H814

12

 

 

Menanga Ndzie Hernandez

04H247

15

 

 

Modaï Gastoin Gaston

06G815

13,5

 

 

Nagla Julius Tantoh

02A244

11

 

 

Ngangmi Innocents Brid

03D088

11,5

 

 

Ngos II Jesué

98G205

14

 

 

Ngwang Ernest Tanto

03B098

12

 

 

Nkoussa Marie Paul

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12

 

 

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